lundi 11 avril 2011

La peur et l'espoir - les mots du philosophe

Je ne puis résister encore une fois de vous servir une portion de Sénèque, mon nouveau stoïcien préféré. 

J'ai finalement ouvert les Lettres à Lucilius que nous trainons de déménagement en déménagement depuis que Christian l'a offert à mon mari (Sénèque de son nom) pour son petit Noël en 1993.

Voilà ce que Sénèque nous apprend sur la peur, et pourquoi le sage doit apprendre à la maitriser. C'est à la fois frappant de vérité par rapport à ce que nous venons de vivre -- encore un tremblement de terre au moment ou j'écris ces lignes, j'ai fait une petite pause d'une minute sous le bureau -- et ce qui nous attend les prochains mois à Tokyo.

 Ce que je te recommande, c’est de ne pas te faire malheureux avant le temps ; car ces maux, dont l’imminence apparente te fait pâlir, peut-être ne seront jamais, à coup sûr ne sont point encore. Nos angoisses parfois vont plus loin, parfois viennent plus tôt qu’elles ne doivent ; souvent elles naissent d’où elles ne devraient jamais naître. Elles sont ou excessives, ou chimériques, ou prématurées. (...)
    Je ne sais comment le chimérique alarme toujours davantage : c’est que le vrai a sa mesure, et que l’incertain avenir reste livré aux conjectures et aux hyperboles de la peur. Aussi n’est-il rien de si désastreux, de si irrémédiable que les terreurs paniques : les autres ôtent la réflexion, celles-ci, jusqu’à la pensée... Il est vraisemblable que tel mal arrivera, mais est-ce là une certitude ? Que de choses surviennent sans être attendues, que de choses attendues ne se produisent jamais ! Dût-il même arriver, à quoi bon courir au-devant du chagrin ?  Il se fera sentir assez tôt quand il sera venu : d’ici là promets-toi meilleure chance. Qu’y gagneras-tu ? du temps. Mille incidents peuvent faire que le péril le plus prochain, le plus imminent, s’arrête ou se dissipe. (...)
    La vie n’est plus d’aucun prix, nos misères n’ont plus de terme, si l’on craint tout ce qui en fait de maux est possible. Que ta prudence te vienne en aide, emploie ta force d’âme à repousser la peur du mal même le plus évident ; sinon, combats une faiblesse par une autre, balance la crainte par l’espoir. (...)
    Représente-toi souvent combien la majeure partie des hommes, alors qu’ils n’éprouvent aucun mal, qu’il n’est pas même sûr s’ils en éprouveront, s’agitent et courent par tous chemins. C’est que nul ne sait se résister, une fois l’impulsion donnée, et ne réduit ses craintes à leur vraie valeur... On se laisse aller aux rapports ; où il y a doute, l’épouvante voit la certitude ; on ne garde aucune mesure, soudain le soupçon grandit en terreur.

Rien de neuf sous le soleil: l'espoir comme remède à la peur, ça devrait être à notre portée...

1 commentaire:

  1. ...pour l'espoir, je détourne un peu de son contexte ces vers de T.S. Eliot:
    "In this decayed hole among the mountains
    In the faint moonlight, the grass is singing..."
    Amitiés,
    Ben

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